Demain, je lancerai une nouvelle campagne de crowdfunding pour financer le développement de la collection Ludomire et le format print@home. Comme à chaque fois, j’ai un petit peu l’angoisse si ça va être un succès ou non. Il faut dire que j’ai une certaine expérience de ce genre campagne que je pratique de manière directe ou indirecte depuis près de dix ans. Selon moi, il a beaucoup évolué et je cherche à présent à trouver une manière d’utiliser ce moyen de manière appropriée.
Les précurseurs et l’enthousiasme des débuts
Le financement participatif n’est pas nouveau et a toujours existé. Auparavant, il s’appelait prévente ou souscription, pour financer l’édition d’un livre ou même des compagnies de chemin de fer. Mais cela restait rare et nécessitait une certaine logistique que peu pouvaient se permettre. Mais au début des années 2010, le site kickstarter, suivi par d’autres dont Ulule en France, démocratise le crowdfunding en soulevant une certain enthousiasme. Certains projets lèvent des sommes importantes et les premières années sont des périodes fastes pour ceux qui lancent des projets.
A cet époque, je suivais passablement des créateurs indépendants ou des blogueurs de toutes sortes. J’ai constaté un véritable enthousiasme de la part de personnes qui y ont vu un moyen d’enfin monétiser leur travail. Moi aussi, j’étais très enthousiaste et j’ai pu constater l’effet gigantesque qu’a eu cette pratique pour l’industrie du jeu de rôle. Celle-ci souffrait cruellement d’un manque de liquidité et forçait les maisons d’édition à se limiter dans leurs sorties. Avec le crowdfunding, la nombre de sorties et la diversité a littéralement explosée et cela a sans doute permis le nouvel age d’or de ce loisir.
De l’amateurisme au professionnalisme
Pendant les premières années, la plupart des projets étaient portés par des amateurs, des associations ou de nouvelles structures qui se lançaient. C’était frais et les souscripteurs participaient volontiers. Le payement en ligne n’était pas encore une habitude pour tout le monde. Le nombre limité de projets, la bienveillance des souscripteurs et la fraîcheur des porteurs de projet créaient une atmosphère sympathique qui simplifiait la réussite des petits projets.
Mais petit à petit, les souscripteurs ont été de plus en plus sollicités, ils sont également devenus plus méfiants suite à des arnaques, des projets en retard ou mal gérés. Les projets se sont multipliés, noyant les projets sous le flot. Pour surnager et avoir de la visibilité, l’enthousiasme et la sincérité d’un porteur de projet ne suffisaient plus : il faut aujourd’hui avoir une stratégie de communication et un graphisme soigné. Les gros acteurs ont également commencé à pratiquer des levées de financement sur les plateformes. Ces deux dernières années, la plupart des projets lancés par des débutants auxquels j’ai souscrit ont échoué. La raison est évidente pour moi, ils manquaient de professionnalisme. C’est dommage, car, s’ils avaient proposé le même projet 7-8 ans auparavant, ils auraient sans doute facilement levé les fonds et je suis convainc qu’aucun souscripteur n’aurait été déçu.
Mes expériences et mes conclusions d’aujourd’hui
Pour ma part, cela fait 10 ans que je pratique le crowdfunding. Au sein de l’association ForgeSonges, puis en lançant mes propres campagnes, j’ai pu me forger une solide expérience de terrain. J’ai connu des succès éclatants (comme Printeurs), des succès très personnels (comme La Chaux-de-Fonds 1904), des succès inespérés (comme Bretteur 2), des succès sans accroc (comme L’héritage des Sombres) et un honorable échec (avec Adjaï). Depuis 2012, j’ai pu constater l’évolution que j’ai décrite plus haut. Mais il y a également quelques constantes que j’ai constatées depuis toutes ces années :
- Une campagne, c’est épuisant sur toute la durée.
- Une campagne, c’est beaucoup de travail de préparation et de gestion.
- Une campagne, c’est un excellent moyen de solliciter les gens de temps en temps.
- Une campagne, c’est un ascenseur émotionnel.
- Une campagne, c’est toujours incertain.
Devant tous ces constats, je sais comment me servir de cet outil :
- Pour éviter de trop m’épuiser, je ne ferai plus jamais plus d’une campagne par an.
- Pour les mêmes raisons, je préfère aujourd’hui organiser des campagnes plus courtes (environ 20 jours)
- Je ne considère plus les campagnes comme une manière de financer le cœur du projet. Il s’agit d’un moyen de financer des extras. Ainsi, ça permet de prendre moins de risques (des objectifs moins élevés) et de considérer un échec de manière moins dramatique.
- Ainsi si le cœur du projet est déjà financé, ça me permet d’organiser la campagne de manière à garantir les délais de livraison aux souscripteurs.
- Ma campagne de crowdfunding est plus devenue la campagne de promotion annuelle de mes projets. Ainsi, l’objectif numéro un est aussi de se faire connaître même si les ventes ne sont pas tout de suite au rendez-vous.
- C’est une manière de fédérer une communauté autour d’un projet un peu fun.
Les autres méthodes
Les campagnes intenses et ponctuelles “à la kickstarter/ulule” sont usantes et exigeantes. Je continuerai à en mener car elles ont plein de qualités qui leur sont propres : intensité, mobilisatrice, mise en valeur de nouveautés. Mais ce modèle ne peut suffire à lui-même pour pérenniser un projet comme print@home. Je pense que les systèmes d’abonnement tels que Patreon ou Tipeee sont plus sains car ils s’inscrivent dans un temps plus long. Ils permettent de courir un marathon, là où une campagne ponctuelle se rapproche à un sprint.
Je pense également qu’il est bon d’avoir une manière d’être soutenu ponctuellement pendant toute l’année. Les dons ou les achats dans une boutiques complètent un financement équilibré. Ainsi voici comment j’imagine le financement idéal pour le print@home :
- Un financement participatif régulier sous la forme d’abonnement qui finance le travail de fond, le nécessaire pour assurer le minimum sereinement.
- Une campagne annuelle qui finance des trucs un peu foufous et fait connaître les nouveautés.
- Les ventes et dons au cours de l’année qui financent les investissements pour faire évoluer le projet et prendre des risques sur des choses “moins sexy” mais nécessaires pour s’adapter.
Dans un précédent billet, j’ai donné les frais liés à des plateformes externes comme Ulule ou Tipeee ainsi qu’aux méthodes de payement. Aujourd’hui, j’utilise ces outils, mais je m’interroge de plus en plus sur leur pertinence. D’année en année, j’ai l’impression que les souscriptions provoquées par une éventuelle visibilité sur une plateforme se sont réduites drastiquement. Je pense donc à terme développer de mon côté les outils de financement participatif, un projet mûrit dans ma tête. Cela me permettra d’avoir une plateforme sur mesure pour les besoins de mon projet de longue haleine et d’économiser sur les frais.
En attendant, je vous invite à découvrir ma nouvelle campagne Ulule.
Et comme chaque mercredi, un nouveau cahier est disponible sur printathome.cc. Cette semaine, L’héritage des Sombres 10/19 de Pascal Lovis