La plupart des gens ont entendu parler du métier d’éditeur, mais très peu savent vraiment ce qu’il cache. Souvent, les gens résument l’éditeur dans un ou deux de ces rôles :
- Un éditeur, c’est un filtre, il choisit les livres qui méritent d’être édités : j’ai entendu cela de la bouche de beaucoup de nouveaux auteurs qui considèrent les maisons d’édition comme le Graal qui adoube les chefs-d’œuvre. Certes, les éditeurs sérieux sélectionnent les livres qu’ils éditent, mais leurs critères de sélection sont multiples et dépendent plus de la ligne éditoriale et de son calendrier de publication que de critères artistiques.
- Un éditeur, c’est celui qui se charge de faire imprimer le livre : j’ai entendu cela très souvent, surtout de la part de personnes d’un certain âge. C’est hérité d’un temps où l’impression était plus compliquée et lorsque les imprimeurs étaient souvent éditeurs, et vis-versa. Il s’agit en réalité d’un aspect assez marginal de l’activité aujourd’hui.
- Un éditeur, c’est celui qui a un rôle plutôt commercial, il assure la promotion et la vente des livres : je l’ai entendu chez des auteurs très indépendants, souvent très connectés. Souvent qui voient l’éditeur comme un intermédiaire commercial entre l’auteur et son public.
Ces trois réponses ne sont pas entièrement fausses, mais elles sont incomplètes. Voici comment je décrirais un éditeur.
L’éditeur est une infrastructure
L’objectif d’une maison d’édition, c’est de mettre en place des processus, des accords et un fonctionnement optimal dans la sélection, la production, la promotion et la vente de livres. Aucun auteur isolé ne peut construire une telle infrastructure lui-même, car il peut rarement avoir la production et la régularité nécessaire pour signer avec un diffuseur ou avec des partenaires de ce genre par exemple. De tels acteurs traitent uniquement avec des éditeurs parce qu’ils sont un filtre (ils préfèrent juger d’un projet éditorial que des livres isolés), ils sont également plus réguliers, on peut traiter de manières professionnelles avec eux.
L’éditeur a pour responsabilité de décharger les auteurs de toutes les tâches qu’il ne peut ou ne veut assurer pour son œuvre. Il donne accès à un auteur à des possibilités inaccessibles à une œuvre autoéditée.
Je pourrais ajouter que l’éditeur est également celui qui va assurer le financement de la publication, mais je développerai ce point dans un article consacré dans le futur.
L’éditeur est un agent pour l’œuvre et l’auteur
Bien entendu, un auteur restera toujours le meilleur ambassadeur pour ses œuvres. Mais l’éditeur a un rôle complémentaire pour gérer et promouvoir l’œuvre pour une traduction ou une adaptation. Certaines portes seront irrémédiablement fermées pour certaines œuvres autoéditées, comme je l’ai expliqué précédemment. Ce n’est pas un complot, c’est juste lié à l’échelle : un éditeur spécialisé dans la traduction va trouver plus simple de s’adresser à des éditeurs pour leur recommander leurs textes et auteurs plutôt que de chercher laborieusement une pépite au milieu de plateformes qui catalogue des romans autoédités.
De plus, un éditeur honnête prend un risque lorsqu’il édite un livre. Cela signifie que l’œuvre et l’auteur ont déjà convaincu quelqu’un à s’engager. L’éditeur peut alors expliquer de pair-à-pair avec un autre éditeur ce qui l’a convaincu. L’éditeur apporte une approche différente dans la mise en avant de l’œuvre et de l’auteur.
L’éditeur développe un projet éditorial
Je crois que c’est l’aspect du métier que j’aime le plus. C’est également un aspect évident quand on met le doigt dessus, mais transparent la plupart du temps. C’est la part “macro” du travail éditorial, en comparaison avec le travail “micro” sur chaque sortie.
Normalement un éditeur possède une ligne éditoriale (plus ou moins publique), voici celle de PVH éditions. C’est la ligne directrice qui va influencer : le type d’œuvres qu’il choisira et la manière de les mettre en valeur.
Le plus visible passe par la création de formats de livres, éventuellement de collections. Le but est de mettre en valeur les œuvres, tout en matérialisant le projet éditorial. Ça peut être une identité graphique des livres, ça peut être une manière de communiquer ou de distribuer les œuvres. Lorsqu’un auteur n’est pas encore connu et n’a pas de public qui le suit, ce cadre est très utile pour intéresser des premiers lecteurs.
Pour ma part, j’ai un attachement tout particulier pour le projet qui entoure ma collection Ludomire et je prends un soin très particulier à la développer, notamment dans le format print@home. J’aime vraiment explorer toutes les possibilités pour exprimer mon projet éditorial.
L’éditeur est le parrain de l’œuvre
La paternité d’une œuvre reviendra toujours à son auteur. L’éditeur malgré tout est impliqué dans la création : par ses relectures, ses remarques, il participe à la finalisation de l’œuvre. En intégrant l’œuvre dans une collection, il participe à lui donner une identité. En choisissant la manière de présenter l’œuvre, il participe à lui forger un public.
Malheureusement, cette participation à l’œuvre est assez peu reconnue. Car le publique sous-estime souvent le rôle de l’éditeur dans ce qu’ils ont entre les mains. Un roman n’est jamais un travail d’un génie isolé, c’est aussi un travail collectif. La sortie d’un livre pourrait se comparer à un concert dont le maître d’orchestre est l’éditeur et le soliste/compositeur est l’écrivain. Les relecteurs, l’imprimeur, le diffuseur, les libraires, etc. sont les musiciens.
J’ajouterais bien également ce que l’éditeur n’est pas : une plateforme de publication telle qu’Amazon, Lulu et compagnie. Mais j’aimerais traiter ce sujet dans un prochain article.
Peut-on se passer d’un éditeur ?
La réponse est évidente : bien entendu que oui. J’irais même plus loin, il est important de bien choisir son éditeur. Comme je l’explique, l’éditeur participe de manière importante à l’œuvre, il s’immisce. Mais avant de faire s’impliquer, il demandera un certain nombre de garanties qui seront formalisé dans un contrat d’édition.
Un éditeur peut apporter beaucoup à une œuvre, mais il peut également être un poids. Avant de signer avec un éditeur, pesez bien les pour et les contre. Renseignez-vous sur leur ligne éditoriale et leur projet pour votre livre. N’hésitez pas à négocier certains points du contrat, ils se basent sur un modèle. Il y a souvent une marge de négociation sur des points qui peuvent vous paraître importants pour vous, mais qui sont secondaires pour l’éditeur. Vous pouvez également demander certaines garanties.
Finalement, l’autoédition est toujours une solution alternative. Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Et une autoédition n’empêche pas de trouver un éditeur par la suite.
La semaine prochaine, j’aborderai la question de l’autoédition, de l’édition à compte d’auteur et des pièges à éviter. Parfois l’envie d’être édité fait prendre des mauvaises décisions.
Comme tous les mercredis, un nouveau cahier est disponible sur printathome.cc. Cette semaine, Ceux qui changent 2/7 d’Aquiliegia Nox
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2 thoughts on “À quoi sert un éditeur et peut-on s’en passer ?”