Le choix de la licence pour le print@home

Lorsque j’ai imaginé le format print@home pour la campagne Ulule de Printeurs, il a tout de suite été question d’adopter une licence ouverte. Lorsque l’on souhaite proposer la possibilité à tout un chacun d’imprimer vos romans à la maison, c’est une nécessité. Mais quelle licence choisir ?

Creative Commons

Il existe toutes sortes de licences ouvertes, mais la plupart sont plutôt adaptées pour le code informatique. Pour la littérature, il n’y en a que quelques une qui conviennent :

Mon choix s’est tout de suite porté sur les licences Creative Commons qui sont plus courantes et mieux connues. Mais j’apprécie tout particulièrement leur modularité. Et j’avoue que le possibilité d’avoir chaque licence sur mesure pour les lois de mon pays (la Suisse), c’est plus confortable.

Le principe des licences Creative Commons est assez simple, ce sont des licences qui autorisent l’utilisation des œuvres selon certaines contraintes que l’on peut combiner. Voici ces contraintes :

  • BY : l’obligation de citer l’auteur
  • SA : l’obligation d’utiliser la même licence en cas d’utilisation de l’œuvre
  • ND : interdiction de modifier l’oeuvre
  • NC : interdiction d’utiliser commercialement l’oeuvre.

Ces contraintes peuvent être ensuite combinées à volonté, mais certaines sont plus pertinentes que d’autres. Passons-les en revue !

CC Zero

Il s’agit d’un Creative Commons un peu particulier qui n’impose aucune contrainte. Elle offre un accès à l’oeuvre comparable aux œuvres élevées dans le domaine public.

Pour ma part, je trouve que cette licence a très peu d’intérêt par rapport aux autres licences libres. Bien que je défends l’extension du domaine public, je ne pense pas qu’elle serve vraiment la cause.

De toute façon, cette licence n’est légalement pas recevable en Suisse, en Belgique et en France car un auteur ne peut renoncer à son droit moral sur son œuvre. Dans nos pays, la licence “minimale” est le CC BY.

CC BY-NC-ND

A l’autre extrême, il y a la licences Creative Commons la plus restrictive. Elle aurait pu suffire pour le fonctionnement du print@home : la possibilité d’imprimer à la maison le fichier téléchargé.

Mais j’ai un problème très personnel avec l’interdiction de modifier le fichier ou de s’approprier l’œuvre. Je pense que cette licence ne laisse aucune marge de manœuvre à des fans pour s’approprier le travail, d’y apporter une amélioration.

CC BY-NC-SA

C’est cette licence que j’ai décidé d’adopter aujourd’hui pour les fichiers téléchargeables print@home. Elle est restrictive certes, mais elle laisse également une quasi totale liberté aux fans de s’approprier les œuvres :

  • Publier des fans fictions
  • Transformer les fichiers pour changer le format d’impression
  • Créer des jeux, des vidéos ou tout autre fichier se basant sur les œuvres

Comme éditeur, j’apprécie les deux garanties :

  • avec le NC, j’évite d’avoir la mauvaise surprise d’avoir une concurrence commerciale opportuniste.
  • avec le NC, ça me permet de ne pas trop bousculer les canaux de vente traditionnels qui restent à mes yeux des partenaires essentiels à la réussite commerciale de ma maison d’édition.
  • avec le SA, ça me garantie la possibilité d’utiliser toutes les créations de fans à mon tour (de manière non-commerciale)

Pour moi, cette licence est clairement une invitation à l’appropriation ET à la concertation. Dans un premier temps, un fan peut vouloir écrire une nouvelle, réaliser un court métrage, etc. Il le fait rarement dans un démarche commerciale, mais parfois petit à petit, cette appropriation peut prendre de l’ampleur. Dans un tel cas, les contributeurs sont invités à nous contacter pour faire entrer cette création dans le “canon”. Je pense que l’auteur de l’œuvre et moi, l’éditeur, peuvent être une opportunité pour faire aboutir un projet amateur à passer le cap de la commercialisation, C’est du moins comme cela que je l’imagine.

Mais la licence CC BY-NC-SA n’est pas la seule qui m’intéresse et j’envisage

CC BY-SA

Je suis tout particulièrement attiré par cette licence libre. J’aimerais pouvoir faire des essais avec elle. Malheureusement, elle me semble encore risqué dans ma situation financière délicate et mes moyens limités pour régater contre une concurrence.

Elle laisse libre une exploitation commerciale opportuniste, tout particulièrement pour les e-books. Tout un chacun pourrait proposer l’e-book à la vente sur les grandes plateformes et ainsi éclipser ma propre offre. J’ai également le risque que la licence libre crée des problèmes en cas d’édition de poche. D’une manière générale, cela interroge sur la possibilité pour l’éditeur de pouvoir bénéficier des retombées d’un succès particulier d’un des romans. Il faut savoir que ces succès sont nécessaires au dynamisme d’une maison d’édition dont la marge est généralement maigre sur la plupart de ses romans.

Ainsi une des conditions sine qua non pour adopter le CC BY-SA est un revenu régulier ou des financements qui permettent de pérenniser une telle collection. Ça représente la garantie que la collection assure le salaire d’un éditeur et tous les frais nécessaires (impression minimale, graphisme,etc.). Je détaillerai ces aspect financiers dans un futur article.

Je pense également que je ne pourrais adopter une telle licence sans un assentiment des acteurs du canal de vente principal : diffuseurs et libraires. Pour cela, je devrai faire des essais pour pouvoir leur prouver qu’une telle licence n’est pas néfaste pour eux.

Je terminerai par les raisons qui me poussent à conserver la limitation SA. Elle ne provient pas d’une volonté de promouvoir la licence Creative Commons. Il s’agit d’une limitation que je souhaite conserver pour avoir un dernier élément à pouvoir négocier avec des partenaires commerciaux qui souhaiteraient exploiter l’œuvre sous une licence différente ou souhaitant éviter d’entrer en concurrence commerciale avec l’éditeur original.

CC BY

Pour moi, cette licence a assez peu d’intérêt comme éditeur. Malgré tout, je trouve qu’elle est la meilleure manière de libérer l’œuvre qui n’a plus de vie éditoriale. Elle permet également de résoudre un éventuel “divorce” entre l’éditeur et l’auteur. Cela permet à tous les deux d’exploiter l’œuvre même s’ils ne travaillent plus ensemble.

Il faut dire que la vie d’un roman normal ne dure jamais plus de 5 ans (généralement 2-3 ans). Ensuite, l’œuvre ne se vend plus qu’exceptionnellement : quelques exemplaires par année, voire même aucune vente. Dans un tel cas, il n’y a à mes yeux plus aucune raison de ne pas élever prématurément l’œuvre sous une licence avec le minimum de contraintes. Une forme d’entrée prématurée d’une oeuvre dans le domaine public, ou presque. L’éditeur n’a pas grand-chose à perdre : il peut continuer à vendre petit à petit le reste de son stock. Et si quelqu’un réutilise l’oeuvre avec succès, il aura des retombées auxquelles il n’aurait de toute façon pas eu en maintenant l’oeuvre sous une licence non libre.

J’expérimente cette nouvelle approche sur un des prochains romans qui devrait sortir. Si c’est concluant, j’envisage de le généraliser pour toutes les publications futures de PVH éditions.

Comme tous les mercredis, un nouveau cahier est disponible sur printathome.cc. Cette semaine, Ceux qui changent 3/7 d’Aquiliegia Nox

Tous les logos utilisés dans cette article ont été créés par Creative Commons sous licence CC BY.

Author: Ludomire

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